Revue de presse : Harry Szpilmann, “Fulgor”


Actualités, Revue de presse / mardi, février 28th, 2023
2022 – Harry Szpilmann – Resina Yucatan

EXCAVATION DU VERBE

Un coup de cœur du Carnet

Harry SZPILMANN, Fulgor,

« Souffle », « désastre » et « embrasements » – nous sommes d’emblée, dès les premiers mots, en terre szpilmanienne. D’un livre à l’autre du poète, le même noyau, les mêmes champs lexicaux, le même labour du verbe, le même refus de l’enclos… et des firmaments, jusque-là demeurés inconnus, éclosent. Chaque livre de Szpilmann est un réseau vasculaire de mots et un cristal d’images toujours appréhendés sous un nouveau prisme. Publié au Cormier, Fulgor, dont le titre condense tant la fulgurance de l’éclair que l’or du feu, est une suite, désertique autant que magmatique, de courts fragments denses, densifiés par l’ « Obscur ».

À nos genèses en l’instant glorifié, en l’instant glorifiant, ont présidé d’innombrables eaux et d’innommables astres. En remonter le cours, en décliner la source, voilà la tâche génératrice qui nous requiert, et nous exauce. 

Chaque fragment, entre prose et poésie, délivre une prodigieuse salve d’ombre ou de lumière, épouse les sillons naturels d’une Parole matinée d’interrogations. Sur quelle terre s’avancer pour retrouver l’ampleur de notre Présence ? À quelle flamme se vouer, vers quelle aurore tendre ? Sensualité de la matière, force du chant, « efflorescence des infinis », Fulgor donne à éprouver l’émergence du poème, les anfractuosités de l’écriture. Désireux d’approcher au plus près l’ « Origine » luisant comme l’eau claire au sein des poèmes, c’est plutôt à l’ivresse de la source, à sa nuit, à son départ de feu que le lecteur prend part.

Une flamme, simple et multiple, unie et prodigue : voilà ce que nous sommes appelés à devenir lorsque l’éclair s’adresse à nos poussières incendiaires.

Polyphonique, ponctué d’une coda, Fulgor renoue avec le chant comme force élémentaire et instinctive. Lyres et airs ne sont pas en reste : ils deviennent le vent qui guide le poème jusqu’à son arrimage à une métaphore éclatante, à une image qui emporte tout, qui élève le texte à la puissance de l’orage. De ce recueil transparait un ton obstiné, qui renverse l’horizon, inverse le nadir et le zénith. Éprouvée jusqu’au bout des nerfs, la poésie de Szpilmann est d’une littérale profondeur.

S’inscrivant dans la constellation de ses précédents recueils, remarquable en sa consistance, le recueil Fulgor d’Harry Szpilmann est une lumineuse excavation du verbe – et son dépassement.

Charline Lambert

 

Excavation du verbe